6.04.21 – 23.07.21
Slavs & Tatars
Régions d'être
Commissariat : Éric Mangion
Depuis près d’une quinzaine d’années, le collectif d’artistes Slavs and Tatars produit une œuvre faite d’installations, de sculptures, de conférences ou d’éditions qui ont pour caractéristique commune de remettre en cause notre connaissance du langage et des cultures régionales, voire des cultures tout court. Slavs and Tatars (créé au départ par une Polonaise et un Iranien) s’appuie pour cela sur les rites et les traditions d’une zone géographique située entre l’ancien mur de Berlin et la Grande Muraille de Chine, autrement dit la grande région intercontinentale que l’on appelle la steppe eurasienne et qui fonctionne comme le laboratoire de leur recherche. Ce territoire est en effet caractérisé par une fusion extrêmement diversifiée d’identités et de signes dus aux migrations et aux guerres qui ont pu marqué et marquent encore ces immenses territoires traversés par les civilisations perse, ottomane, russe, chinoise, mongole et autres moins connues. Ainsi leur œuvre fonctionne comme un « bazar » au sens oriental du terme, un regroupement d’objets disparates issus de toutes origines.
S’appuyant souvent sur deux idées contraires, sur des « grands écarts métaphysiques » comme ils les nomment, la production de leurs travaux se base sur une solide connaissance scientifique et universitaire de ces cultures mais aussi sur la connaissance d’histoires issues de folklores anciens, de contes, savoirs populaires, traditions orales, légendes, mythes ou récits plus ou moins fantasmés. Le tout est souvent soumis à la moulinette de la traduction et surtout de la translittération, c’est-à-dire à la transcription d’un signe vers un autre entre deux systèmes d’écriture différents. Dans ces écarts, la fermentation et l’humour jouent un grand rôle. La fermentation par son pouvoir de détériorer et de conserver à la fois ; l’humour (via la caricature et l’ironie) par sa façon d’intégrer par la légèreté des idées antagonistes. Quoi qu’il en soit leur œuvre, comme ils l’écrivent eux-mêmes, « s’adresse à la bouche, la gorge, l’estomac ou aux organes sexuels », n’ayant pas peur des polémiques qu’elle peut susciter dans des cultures qui souvent évacuent toute forme de sensualité quand on aborde par exemple la religion.
A l’instar d’un grand livre ouvert, leur première exposition monographique en France propose une traversée de leur pratique artistique avec un parcours mêlés de pièces anciennes et de nouvelles productions spécialement pensé pour l’espace labyrinthique du centre d’art de la Villa Arson. Toutes sont issues des huit cycles de leur travail : Not Moscow Not Mecca ; Language Arts ; Made in Germany ; Kidnapping Mountains ; Mirrors for princes ; Friendship fo Nations ; Pickle Politics ; Régions d’être. Ces cycles ne sont pas des séries qui se terminent mais des mouvements sans fin, qui s’alimentent en permanence. Le dernier, Régions d’être donne son titre à l’exposition, tel un jeu de mots avec le terme raison d’être : la raison d’être de Slavs and Tatars est en réalité régionale, c’est un appel à regarder ailleurs, au-delà des centres de pouvoir, d’autorité ou de savoir, vers les marges des idéologies, les frontières des systèmes de croyance. Autrement dit, l’exposition invite à adopter d’autres régions et d’autres endroits comme étant les nôtres