3.06.20 – 20.09.20
Zora Mann
Waganga
Commissariat : Éric Mangion
La peinture de Zora Mann est faite de densité : multiples couleurs, formes répétées ou au contraire divergentes qui viennent se croiser ou se superposer dans des compositions souvent saturées de lignes ou de courbes. Si ses œuvres ne renvoient pas à l’abstraction géométrique ou lyrique elles font plutôt penser à des expérimentations psychédéliques par leur manière de faire cohabiter des mondes et des perceptions différentes. « Je peins de l’intérieur vers l’extérieur », dit-elle.
Ce mode de pensée et de production est également très proche de l’art brut, justement par son « intériorité » comme par son enchevêtrement de motifs. Ce qui est encore plus singulier dans son œuvre, c’est sa dimension tribale. Ses parents sont originaires d’Afrique de l’est. Elle y a beaucoup séjourné et sa culture en est profondément marquée. Waganga (le titre de l’exposition) signifie » guérisseurs d’âmes » en Swahili (groupe de langues bantoue pratiquées dans plusieurs pays d’Afrique de l’est). Elle a découvert le terme dans un film que son père a réalisé il y a une vingtaine d’années au Kenya sur George, un Waganga justement.
L’exposition réunit plusieurs peintures de différents formats dont une de très grande dimension (3 m x 9 m) réalisée sur place, tout comme une vingtaine de petites et moyennes tailles qui forment un ensemble mural. Elles sont conçues tels des carnets de voyages car beaucoup ont été réalisées au cours de déplacements. Elles peuvent être aussi perçues comme des restitutions de rêves. Les « synchronicités spatiales » (terme emprunté au psychanalyste Carl Jung), propres à la formation des rêves, sont ressemblantes. Plus les formats sont petits, plus leur « densité » est d’ailleurs frappante.
Mais la peinture de Zora Mann se retrouve aussi dans des sculptures qu’elle appelle « Boucliers ». Objets par nature de protection ou de combat, ils perdent ici leur caractère guerrier pour devenir des « frontières physiques », véritables surfaces de motifs plus ou moins courbes, allongés ou ramassés. Plus massifs, les « Murs » faits de bois, de papier mâché, de résine et de peinture peuvent être traversés du regard, ce qui ne les empêche en aucun cas d’apparaître tels des corps difformes érigés au centre de la salle principale de l’exposition. Les rideaux de perles qu’elle réalise avec des résidus de tongs ramassées sur les rives des voies navigables du Kenya sont au contraire des objets plus fluides. Ils sont destinés à être traversés et font aussi office de filtres entre plusieurs œuvres.
Cette exposition a été conçue lors d’une résidence de l’artiste dans le centre d’art entre novembre 2019 et février 2020.
Zora Mann, née en 1979 à Amersham (Royaume-Uni) est une ancienne élève de la Villa Arson, diplômée en 2009. Elle vit et travaille à Berlin.
Elle a réalisé ces dernières années de plusieurs expositions en solo : Being and your own form, ChertLüdde, Berlin (2018) ; Statements, Art Basel, avec ChertLüdde, Berlin (2017) ; Doppelgänger, 45cbm studio space, Staatliche Kunsthalle Baden Baden (2017) ; Fiac – Foire International d’Art Contemporain, La Fayette Sector, Paris (2015) ; Coagula, Chert, Berlin (2014). Elle a également participé à des expositions collectives : Freigänger, The Knast, Berlin (2019) ; A Shiver in Search of a Spine, Arario Gallery, Samcheong, Korea (2019) ; All The Small Things, Alessandro Buganza, Milan (2019) ; The Shrine of Friendship, BKV-Brandeburgischen Kunstverein, Potsdam (2018) ; Condo, hosted by Union Pacific, London (2018) ; Interface(s) – Tales of Babel, Haus am Lützowplatz – Studio Galerie, Berlin (2017).
Remerciements : Hanslay Boodoo, Ambre Gaude, Marie Honoré, Bryce Delplanque, Vivien Cahusac de Caux, la galerie ChertLüdde (Berlin), les ateliers (notamment sculpture et céramique) et équipes de la Villa Arson.