21.01.94 – 13.02.94
Warren Neidich
Cultural Residue
Mon travail traite de l’étroite relation entre l’air et la sculpture et il touche à des réalités culturelles, politiques et esthétiques difficiles à matérialiser. L’air est une métaphore de la globalité, une substance qui n’a pas de frontière et qui est intimement partagée au travers de la simple respiration. Nous aspirons dans nos corps quelque chose qui est déjà passé à travers les poumons des autres. Une substance qui, bien qu’elle ne soit pas la cause de la communication, la facilite. L’air qui afflue sur les cordes vocales provoque des vibrations qui résonnent dans la phonation en passant de la bouche au pharynx. À côté de ces réalités corporelles, l’air présente aussi un caractère philosophique. Je ne songe pas aux relations possibles entre l’invisibilité selon Lyotard et la passivité selon Blanchot, mais à sa signification dans l’espace et dans le temps. À une échelle macroscopique, l’air contient des particules de matière issues du Big Bang alors qu’à une échelle microscopique l’air résulte de la décomposition de la matière organique. Ainsi l’air en tant qu’entité sans frontière et phénomène temporel abolit-il les notions de temps et d’espace dans une équation unitaire.
Tous mes travaux récents Cultural Residue, Oust Collector, Information, Untitled (un prototype pour ln the Minds’Eye) et Ma Bell jouent aussi bien sur les propriétés matérielles que conceptuelles de l’air pour renforcer des données déjà présentes dans mes sculptures antérieures. C’est ainsi que dans Cultural Residue et Oust Collector l’intentionnalité du mouvement d’air passif au travers de trous crée la possibilité de distribution et de collecte de débris culturels et de particules de matière. Dans les pièces intitulées Information et Untitled le mouvement de l’air est impliqué par la fabrication de petits trous situés à un emplacement critique réservé d’habitude à la bouche. Ceci change de niveau de discours dans ln the Minds’Eye où les petits trous sont à nouveau présents mais ici ils deviennent métonymiques d’un processus d’exclusion et d’interrogation normalement associé aux franchissements des frontières. Bien sûr, en même temps, l’air fonctionne de façon à intégrer la pièce entière et renvoie ainsi à la notion de perméabilité culturelle. Dans Ma Bell, l’association du courant d’air et de la communication est réifiée puisque la pièce dessine l’effondrement des systèmes d’information à une époque où le monde s’engage dans l’ère de l’information.
Warren Neidich