20.01.95 – 19.03.95
Stanley Brouwn
Stanley Brouwn
Commissariat : Paul-Hervé Parsy
Peu d’œuvres contemporaines importantes se montrent avec autant de discrétion.
Rejetant tout système de médiatisation – depuis plus de vingt ans, Stanley Brown refuse toute publication de texte critique dans des catalogues personnels, toute interview, il n’assiste à aucun vernissage le concernant de près ou de loin – cette Œuvre n’en est pas moins l’une des plus cohérentes et significatives de l’art contemporain. Marquée par la séparation absolue instruite par l’artiste lui-même entre l’exposition de son travail et tout élément de caractère biographique, de façon à n’offrir au regard et à la réflexion que les œuvres elles-mêmes, dans leur austérité, leur radicalité, laissant chacun libre d’interpréter ces informations implacables révélant sous la forme de mesures, de distances, de densités, la relation physique établie entre le corps – son corps, un corps – et le monde, l’œuvre de Stanley Brown vise à atteindre une évidence formelle débarrassée de tout élément laissant prise à une appréciation subjective. Paradoxalement, si chacune des propositions de Stanley Brown se présente sous une forme matérielle réduite à une visualité pour le moins sobre – traits, plaques, cubes – le degré d’abstraction sculpturale atteint un niveau de concrétion matérielle tel que l’appréhension de ce travail implique un dépassement de la matérialité. Elle relie ce système de codage de l’expérience humaine aux systèmes de compréhension du monde que l’histoire – fit-elle des mesures, des chiffres – bâtit depuis des lustres.
L’expérience de Stanley Brown ne saurait se comprendre comme un simple descriptif d’une translation entre, par exemple, la pratique de la marche et la mesure de l’espace.
Parfois il s’agit d’un simple constat, réel ou fictionnel: Le nombre total de mes pas en Algérie – 136 774. Le nombre total de mes pas au Maroc – 187 558. Ce comptage peut se présenter sous la forme de cartes dans des enveloppes : Mes pas en Pologne 29.04.72 – 12.05.72 – Nombre total de mes pas : 272 663 – quatorze cartes indiquent le nombre de pas chaque jour – ou de fichiers métalliques. En 1975, ce comptage ne s’applique plus à une réalité indiquée mais se fait en référence à une mesure universelle : le mètre, comme unité de base de la construction de tous les systèmes. Cette référence est soit tracée par un trait, soit écrite, tandis que lui est joint un élément biographique propre à Stanley Brown, comme si l’œuvre en résultant était la quintessence absolue à la fois de son activité artistique, de sa vie et de son rapport à l’univers.