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9.02.88 – 12.02.88

Philippe Sommerhalter

Philippe Sommerhalter

Commissariat : Christian Bernard

La sculpture de Philippe Sommerhalter élaborée originellement à partir d’objets récupérés réinstallés en situation d’étrangeté poétique par les procédés de la juxtaposition et du collage, connait depuis quelques mois un déplacement de sa problématique.

En retrouvant dans les pièces récentes une interrogation plus générale sur les rapports de la sculpture à son espace interne et externe, le jeune artiste s’est libéré d’un modèle post surréalisant dont il ressentait le poids inéluctable.

Pour renouveler la question dont il sait bien qu’elle a été largement explorée par les sculpteurs modernes depuis le constructivisme jusqu’à l’art minimal, Philippe Sommerhalter a recours à un jeu de mots, qui vient interroger l’idée de la substance matérielle de sa sculpture.

En effet, si l’on prend comme référence une qualification nominaliste du champ d’inscription traditionnel de la sculpture, on s’aperçoit en fait qu’il ne s’agit pas réellement de l’espace, qui est un concept, mais plus simplement de l’air qui baigne immatériellement la sculpture, elle-même masse et substance solide informée par le “Kunstwollen” de l’artiste (“).

En faisant fonctionner des chambres à air comme noyau de ses pièces, Sommerhalter introduit avec humour l’idée que la substance de la sculpture et son champ d’inscription peuvent être de même nature et met du même coup en perspective ironique cette phrase de Naum Gabo : «Dans notre sculpture l’espace n’est plus une abstraction logique ou une idée transcendantale: il est devenu un élément matériel malléable. II est devenu une réalité. »

Cependant, au-delà du jeu avec les mots, des qualités repérables dans le contrôle de la mise en œuvre, de la valeur matériologique à la fois brute et somptueuse du caoutchouc et de l’acier, du caractère homogène de l’ensemble, ces pièces reflètent une étrangeté particulière due à leur ambiguïté constitutive.

En montrant un système de cages d’où saillent les rotondités caoutchouteuses des chambres à air, l’artiste intègre dans une même œuvre un vocabulaire de formes évoquant à la fois le minimalisme et un organiscisme exubérant. La proposition contradictoire qui en résulte produit, quand elle est extrême, un malaise capable d’éloigner le spectre d’une complaisance esthétisante du procédé. Le gonflement qui les érige informe la présence d’une énergie interne à ces sculptures dans une pseudo-incarnation où figure plus qu’un simple volume et moins qu’un corps.

L’objet récupéré se fait alors l’embrayeur d’une dramatisation potentielle de l’œuvre où se rejoue davantage l’héritage des Nouveaux Réalistes européens que celui de Duchamp tel qu’il est interprété dans les productions de la jeune sculpture américaine (cf. J. Koons, H. Steinbach…).

En plaçant l’objet “ready-made” comme activateur de sens dans une construction sculpturale fonctionnant sur des principes structuraux élémentaires Philippe Sommerhalter décrit l’espace interne de sa sculpture comme un foyer poétique où ce qui est donné à voir est mis en abîme par la résonance des interactions qu’il produit.

J.M. Réol février 1988

(1) Voir à ce sujet C. Besson “Champ et véhicule chez Didier Vermeiren”, in catalogue Didier Vermeiren, Villa Arson, Nice, 1987.