8.06.90 – 17.06.90
Philippe Gronon
Châssis
Commissariat : Christian Bernard
Philippe Gronon travaille à la limite du visible, et pourtant les œuvres de cet artiste semblent formuler le poids des sujets qu’elles investissent. Circonscrites à l’objet représenté, et à lui seul, elles font corps avec lui. La stratégie de la représentation photographique dont s’empare l’artiste réside dans l’hyperprécision de la prise de vue qui manifeste l’illusion de la présence de l’objet plutôt que sa représentation, instaurant une position d’instabilité par rapport à sa réalité.
En s’appropriant la photographie, dont l’essence même est de geler un instant, Philippe Gronon insiste à travers sa démarche sur cette capacité, tout en mettant l’accent sur un certain nombre d’objets qui ont un potentiel d’images, d’informations, de dérives et sur lesquels tout peut s’inscrire, défiler ou être projeté : c’est la chambre noire, un tableau noir qui reste vierge, même s’il a pu être l’objet d’un passé … Paradoxes que développe Philippe Gronon autour de l’idée de révélation.
Paradoxe que cette révélation, par la photographie, de ces objets supports et métaphores de révélation, gelée dans un moment qui n’est pas dans le temps, mais se situe dans un futur hors du temps. Le doublement du sujet par la photographie crée une distance, une surface sur laquelle plus rien ne peut désormais s’inscrire, alors que tout est effacé, rendu muet. La virginité restera telle qu’en elle-même, inviolable. L’écran dressé ne renvoie qu’un miroir noir de la réalité. Un miroir aveugle.
Paradoxes du monde contemporain que dénonce l’artiste. Celui d’un monde où la frontière entre la fiction et la réalité est de plus en plus ténue. Celui d’un monde envahi par les images de la sphère médiatique, dont la pléthore continuelle rend plus ardue la production de nouvelles images et en même temps presque sans objet. Celui d’un monde où la représentation devient très souvent plus réelle que le réel, et la réalité, une abstraction.
Philippe Gronon rend sensible, d’une manière résolument cohérente en regard de la situation artistique actuelle, la limite floue, l’équilibre fragile entre l’existant et le néant. Equilibre maintenu par la contention de l’esprit qui ne se laisse pas distraire par la diversion du gigantesque kaléidoscope multicolore d’images que procure le monde contemporain. Seule subsiste l’épure en noir et blanc du réel que sont les concepts.
Jérome Sans