20.01.95 – 19.03.95
Pascal Pinaud
La pièce d'à côté
Commissariat : Christian Bernard
Si vous avez manqué le début :
La peinture est morte. Du moins celle qui fonctionne en vase clos et se figure encore autonome. Mais quelques peintres subsistent, qui mettent à distance les modalités traditionnelles de la peinture pour expérimenter de nouveaux moyens techniques capables d’ouvrir des perspectives au tableau. Pascal Pinaud est de ceux-là. Pour lui, le tableau est avant tout une table. C’est pourquoi il lui confère de l’épaisseur, quelques dix centimètres de profil. Redonner de la consistance à la peinture en lui faisant côtoyer tous les styles et en la confrontant à des domaines limitrophes afin de créer des situations, tel est son engagement.
La pièce d’à côté est une réflexion sur le statut de la peinture aujourd’hui. On appelle pièce toute œuvre d’art, un peu comme si le qualificatif de peinture était devenu indésirable. Ainsi, une pièce (l’œuvre) est située dans une pièce (la chambre). Et le contenu de rétrocéder à la vacuité du contenant. Pour Pascal Pinaud, la pièce d’à côté est d’abord le cabinet dans lequel le dessin est relégué et depuis lequel toute l’exposition prend sa source…
III. La galerie des glaces ou le triomphe de la série :
On n’est pas un bon peintre si on ne fait pas de série, voilà basiquement ce que l’on répète aux étudiants en art durant cinq années. La série que Pascal Pinaud développe pour l’occasion est celle des Accidents, autrement dit un lieu de ratage : des monochromes beaux comme des camions, hélas, rayés. La pièce d’à côté, c’est aussi la pièce à côté de la plaque. Les Accidents et les Actes de vandalisme sont des peintures somptueuses, réalisées industriellement chez un carrossier, sur un support en tôle automobile, et auxquelles l’artiste fait subir une éraflure plus ou moins grande. Pour réussir un Accident ou un Acte de vandalisme, il faut paradoxalement beaucoup d’adresse et pas mal de chance. Lorsque, par exemple, un Acte de vandalisme, est raté, il faut revernir le châssis métallique et recommencer le sabotage… Ces grandes fenêtres brillantes dont le verni outrancier, un rien kitsch, nous renvoie l’image du monde extérieur, sont à la fois une peinture du leurre et le leurre de la peinture. Un miroir qui met à distance la matière picturale et que Pascal Pinaud essaie de traverser, de déjouer à coup de presse. Dans la longue Galerie des Cyprès, pour la première fois, la sensation de déambuler dans un parking. On reconnaît, au fond, la voiture rose de Barbie, rayée avec une clé. Encore un coup de Ken… Un parking, donc, comme si les lieux de l’art, à la façon des garages, n’étaient plus que des endroits où l’on change des pièces. Alors galeriste ou garagiste ? Comme si les lieux de l’art étaient devenus trop petits et étrangers au monde. Garagiste !
Épilogue : L’art c’est la vie. À présent, on sait que la peinture l’est aussi. Rideau.
Raconté par Catherine Macchi