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23.10.92 – 29.11.92

Noël Dolla

Jalousies

Commissariat : Christian Bernard

La Villa Arson présente cet automne Noël Dolla, Dominique Gonzalez-Foerster et Julije Knifer.

Il s’agit de trois expositions monographiques dont les œuvres ont été conçues pour les galeries de la Villa Arson et réalisées pour la plupart sur place. Ces trois expositions permettent d’articuler trois générations différentes et trois attitudes devant la peinture et l’art en général. Mais l’unité de lieu et l’esprit de condensation qui président à ces trois œuvres donnent à la juxtaposition des expositions un caractère d’évidente connivence et l’aspect d’un enchaînement concerté.

Noël Dolla est professeur à l’École de la Villa Arson. Il vit et travaille à Nice et l’on a pu voir ici même une importante exposition de ses œuvres en 1990. Les tableaux qu’il montre dans la Galerie Carrée sont ses plus récentes pièces. On peut y voir une remarquable synthèse de plusieurs de ses investigations antérieures, une manière de faire tenir ensemble ce qu’il explorait auparavant de façon séparée. Ces assemblages qui s’articulent tous autour du motif récurrent d’une jalousie peuvent se lire aussi bien comme de modernes natures mortes dont les objets seraient les membres dispersés de la peinture.

Il y a deux ans, l’exposition de Noël Dolla à la Villa Arson faisait le point sur une activité picturale foisonnante qui se développait simultanément sur plusieurs axes de recherche. Les six oeuvres présentées aujourd’hui sont le fruit des six derniers mois de travail. Elles révèlent un temps fort de synthèse où l’éventail des investigations se resserre pour énoncer quelques réponses claires à la question de la nature et du statut du tableau dans notre immédiate modernité.

Chaque pièce est ici constituée de trois éléments conçus et mis en œuvre séparément, qualitativement susceptibles d’une existence autonome. La technique picturale se limite à deux méthodes qui symptomatiquement appartiennent à la toute première et à la toute dernière période de l’artiste : ponctuations et fumées, témoignant d’un constant souci de tenir – autant que faire se peut – le geste à distance, de limiter l’expressivité, l’investissement directement subjectif.

À ces deux modes, il convient d’ajouter la pratique du monochrome et le recours à l’objet trouvé.

La nature du tableau ainsi constitué est donc composite. Bien que le résultat tende à une évidente compacité, il garde un caractère de précarité ou du moins de potentielle mobilité compositionnelle. Il se charge d’une dimension événementielle. C’est à la fois le lieu et un moment de l’oeuvre où se rencontrent – par un procédé simple qui consiste à poser les éléments les uns sur les autres – plusieurs plans confrontés dans une brusque élévation du taux d’intensité picturale

L’utilisation de panneaux d’épaisseurs variables règle le décalage de ces plans, déplaçant le jeu de la composition de l’économie traditionnelle d’une surface unique à celle du dispositif. Le fait que deux plans soient ainsi décalés permet de faire l’économie du matiérisme.

Paradoxalement, cette épaisseur des supports vient renforcer la platitude glacée des laques qui ramènent la matière picturale à la surface du plan, de même que s’établit un rapport d’ambiguïté entre cette superficialité brillante et la permanence d’un espace illusionniste qui perdure dans les signes mouvants de la fumée.

La ponctuation, autrefois aléatoire, agit ici manifestement comme élément régulateur de la composition.

Une perturbation supplémentaire est apportée par l’intrusion de l’objet prélevé au réel (récemment les plaques ondulées d’Eternit, ici les jalousies), qui introduit dans la composition une position oblique, un effet de linéarité horizontale et projette ses ombres colorées sur le mur, mettant en échec toute vision frontale simplificatrice, contraignant à une saisie objective de l’œuvre, simultanément dans ses dimensions picturale et matérielle.

Hubert Besacier

(octobre 1992)

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