2.07.10 – 17.10.10
Nicolas Moulin
Goldbarrgorod
Commissariat : Éric Mangion
Entretien avec Nicolas Moulin par Christelle Alin et Céline Chazalviel
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CA & CC : Il y a quelque chose de fastidieux et de très physique à trier, préparer et assembler ce matériel électronique. A l’heure de cet entretien, comment décrirais-tu cette nouvelle expérience du montage de GOLDBARRGOROD ?
NM : Effectivement, le processus de fabrication de GOLDBARRGOROD est toujours un exercice hard core. La ferraille issue de ce recyclage est un matériau sale, rigide, bruyant et lourd. Mais cette étape physique est indispensable pour pouvoir apprendre à connaître les éléments que j’utilise ultérieurement. Les désosser, les dériveter, les classer, fait partie de cette étape indispensable qui consiste à faire « connaissance » avec la matière. A vrai dire j’aime bien ça . Apprendre la logique des éléments pour pouvoir ensuite mieux les organiser entre eux. La différence entre cette fois-ci et la première fois repose sur l’échelle de l’installation. Autant dans la galerie Chez Valentin, l’échelle restait facilement maîtrisable, et l’espace d’exposition comprenait également d’autres travaux. Cette fois-ci, c’est plus extrême. Aucune autre pièce pour soutenir l’installation, et aussi un caractère in situ qui emmène ce travail vers quelque chose de très différent. Plus installation, moins sculpture/maquette. Plus conceptuelle, dans sa conception. Moins de « tours », plus de blocs, je suis réellement dans une autre préoccupation qu’alors. J’apprends au fur et à mesure à ne plus spécialement utiliser ces rebuts comme de simples matériaux, mais à les considérer comme une réalité en soi. C’est donc moins de construction et plus d’organisation. Ce qui en soit me plaît et finalement m’emmène au-delà de la maquette ou de la sculpture. Plus raide, peut-être, mais plus radicale. Cette fois-ci, je dois gérer l’étalement, je dois paradoxalement plus réorganiser le vide entre les blocs que leur masse proprement dite. Cette fluidité est essentielle sur une surface aussi vaste si on veut dépasser la simple maquette de ville ou la démonstration d’un travail d’art brut qui aurait été « institutionnalisé » pour obtenir un vaste réseau de circulation. Une toile métallique qui l’habite.
CA & CC : Dans les commentaires sur ton travail, l’absence de l’homme est souvent soulignée.
NM : Paradoxalement, certaines pièces prévoient une mise en situation particulière : « un centre d’entraînement à quelque chose de non déterminé » dans Le dernier referme la porte en entrant (2002), « une action collective dans le désert central en Islande avec un engin de transport » dans TOPOKOSM (2002) et « l’abri servant potentiellement à échapper au contrôle visuel des satellites d’observation » de KALMANOXI (2004).
CA & CC : Comment imagines-tu la présence physique du visiteur, son déplacement et son rapport à l’échelle de GOLDBARRGOROD ?
Comme dans mes titres, j’aime bien évoquer dans certains travaux l’éventualité d’un « usage » d’un travail artistique. Pas d’un usage utilitaire, mais d’un usage « non déterminé ». C’est une façon d’instaurer une fiction dans la fiction, ou plutôt, comme dirait J.G. Ballard de dépasser la fiction dont on est saturé pour accéder à l’invention de réalité.
Dans GOLDBARRGOROD, il ne s’agit pas d’opérer une subversion d’opérette en évoquant l’utilisation de matériaux de recyclage, blablabla etc. etc., mais d’inclure le processus de vie et de mort et d’obsolescence au sein même du projet artistique et face au marché de l’art qui fétichise parfois ceux-ci en objets de faire-valoir social. C’est-à-dire, donner une seconde vie à des choses mortes, et inclure au sein du processus sa mutation et sa seconde mort autant que sa « seconde vie ». Cette pièce, une fois construite, est de toutes façons amenée à être détruite ou à disparaître. Cela peut être en finissant à la benne, ou en étant réinstallée en extérieur, en proie à l’érosion et aux intempéries pour finir par s’écrouler et retourner au sol. C’est inclus dans le processus même. Une construction intégrant en son sein l’idée de sa propre ruine. Le déplacement du visiteur au sein de GOLDBARRGOROD est conçu pour lui donner accès à la pièce, éviter la « scène » et proposer un accès à travers celle-ci.
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