6.02.22 – 17.04.22
Nelson Pernisco
Monts intérieurs d'un monde analogue
Commissariat : Vittorio Parisi
Le Mont analogue est connu pour être l’un des textes les plus énigmatiques de la modernité : une expédition d’alpinistes part à la découverte d’une immense montagne, située au milieu de la portion sud de l’océan Pacifique, et rendue invisible par une « coque d’espace courbe ». Bien que le groupe d’explorateurs arrive à franchir l’obstacle, au moment où l’ascension commence, la narration s’arrête brusquement : le voyage impossible de ces derniers est destiné à n’avoir jamais de fin.
Monts intérieurs d’un monde analogue est bien le titre d’une exposition, mais il faudrait peut-être l’imaginer plutôt comme une expédition, celle-ci aussi vers des terres qui ne semblent pas appartenir au monde visible. En plus du texte de René Daumal, Nelson Pernisco s’inspire de lieux caverneux qu’il a visité au cours de voyages récents – dont la grotte des Demoiselles, en France, ou la sculpture grotesque de l’Ogre à la bouche grande ouverte dans le parc des Monstres à Bomarzo, en Italie – et que l’artiste réélabore dans sa quête pour réinventer le monde.
Créer de nouveaux mondes qui nous permettent de mieux comprendre le nôtre : tel est au fond le principe de toute entreprise artistique. Ces mondes peuvent souvent trouver des formes inattendues et surprenantes, parfois perturbantes.
Animées par le démon de l’analogie, et résultant d’un dialogue entre l’artiste et lui-même – ses expériences, ses intuitions, ses monts intérieurs – les formes de cette installation spécifiquement conçue pour le Passage des fougères dessinent un paysage hybride, à mi-chemin entre les règnes minéral et végétal. Ainsi celles qui, à une première vue, pourraient nous apparaître comme des concrétions calcaires, telles des stalactites ou des stalagmites, pourraient tout aussi être les plantes d’une forêt venant d’une autre planète, ou les ruines anthropocéniques ou encore les restes fossiles d’une civilisation disparue depuis longtemps, suite à une catastrophe naturelle ou nucléaire.
Ce doute s’accompagne d’une sensation d’inquiétante étrangeté, comme si la matière inerte – du sel, du soufre, des fontes d’aluminium, entre autres éléments et composites – que l’artiste explore, maîtrise et mélange tel un nouvel alchimiste, se trouvait dans un état de mouvement et de transformation ininterrompus.
Premier témoin de cette métamorphose permanente, Nelson Pernisco appelle le spectateur à partager son même chemin vers un ailleurs imaginaire et symbolique, et à témoigner avec lui des phénomènes de sédimentation, d’érosion, de concrétion et de cristallisation d’une installation qui se fait environnement, conçue avant toute autre chose comme un étrange organisme immersif, à la fois minéral et vivant. V.P.