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1.04.89 – 20.04.89

Martin von Ostrowski

Martin von Ostrowski

Martin von Ostrowski déclare : “Mes peintures parlent d’elles-mêmes”. Néanmoins, il commente et livre ses réflexions sur l’art. Car il ne se présente pas seulement comme peintre, mais aussi comme théoricien.

L’artiste se plait à s’interroger. Il cherche au demeurant dans la peinture des thèmes dont l’interrogation est douloureuse, dessine d’anciennes reines kitsch, des trous du cul en train de chier ou, plus récemment, des chanteurs d’opéra grotesques et des victimes non-héroïques de la police. C’est l’homme qui l’intéresse. En fait, le hasard l’a porté à traiter ces thèmes : un article paru dans Wiener sur les victimes de la police et un livre américain présentant les photographies d’un chanteur jadis adulé en seraient l’origine Le contraste entre de prétendus héros mis en scène à grands frais et les héros ignorés de tous les jours l’irrite et lui rappelle ce contraste entre deux peintures baroques du Rijksmuseum d’Amsterdam, l’une d’un philosophe riant, l’autre d’un philosophe pleurant.

Le procédé est volontairement mécanisé et simplifié. L’artiste recourt à des diapositives qu’il projette, en agrandissement sur la toile, d’où parfois l’impossibilité de reconnaître le motif. Le fond est dessiné avec des points qui obligent à regarder de loin. Apparaissent alors des créatures désincarnées, spectrales des silhouettes, des ombres. Ces représentations ne laissent s’approcher personne ; elles forcent la distance avec une certaine froideur.

Ostrowski ne facilite pas la tâche de l’observateur. Qu’il peigne de beaux motifs ou des figures repoussantes, il y tend toujours des chausse-trapes qui entravent et le pur jouisseur et celui pour qui l’indignation est une jouissance. Ses représentations ne prêtent pas à une contemplation tranquille ; quelque chose gêne le silence, la pureté, les altère et les transforme. Une simple jouissance de ses œuvres, voilà ce que l’artiste veut empêcher. Un plaisir sensuel et émotionnel, d’accord, mais non pas sans le travail d’une observation minutieuse, le doute, l’insécurité. En parcourant le développement formel d’Ostrowski ces dernières années, on remarque le progrès continuel de l’abstraction.

Ses représentations récentes sont celles de “héros”. Tandis que les victimes de la police pourraient se réjouir d’une certaine pitié ou d’admiration, les héros grotesques de la scène des temps passés provoquent le rire. Alors seulement, l’artiste leur insuffle une existence picturale et les transforme en héros auxquels il concède de l’importance et qu’il charge de sens par la répétition. La peinture d’Ostrowski est centrée sur des héros et des idéaux. L’artiste même se travestissant en reine Louise, protectrice des Arts, sert d’éclatante illustration. Aussi ses autres motifs, tels les génies, les portraits d’artistes révérés – Beuys et Dürer -, les beaux nus d’hommes, sont-ils autant de fragments d’un idéal non-existant, mais existentiellement important. Von Ostrowski refuse de vivre sans idéal supérieur tout en sachant qu’il n’en existe pas, C’est cette antinomie qui le marque en tant qu’homme et artiste.

Alors, l’échec fait de Sisyphe un mythe.

Christine Wolf

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