15.10.88 – 6.11.88
John Nixon
La croix et le monochrome
Commissariat : Christian Besson
La civilisation occidentale a surchargé la peinture de valeur. Peintre, critique, collectionneur, public semblent médusés par son être-là en forme de point d’interrogation. Elle ressemble à une mer vaste et profonde que chaque vague rendrait changeante. Et dans cette eau le regard et la pensée se perdent en considérations plus ou moins métaphysiques.
Contrairement à la mer, les données fondamentales n’en sont pas évidentes. Peut-on trouver de l’eau, du sel, de l’iode, du plancton ? Chaque interrogation nous propose une version nouvelle du fondement. Et, dans la multiplication des versions fondamentales, l’ontologie sombre, atteinte par la diversité. Car après tout ni le monochrome, ni la croix ne sont plus fondamentaux que le châssis, la couleur, la construction, la coulure, la texture, la figure, le format, la présence ou autres fondements du même acabit. Reste à voir ce recommencement du geste de peindre comme un geste fondé à nouveau, se fondant lui-même pour ainsi dire dans une praxis historique référant aux précédentes mais aussi inventant son propre usage, son code.
Voici donc le monochrome du pauvre et le suprématisme à bon marché : peinture sur sac de pomme-de-terre avec “Kill” de rouge, cagette d’œufs et boîte de camembert. Dans la salle d’exposition après la machine à coudre et le parapluie, d’autres rencontres ont lieu : Malevitch, Klein, Rymann et compagnie entrent en mêlée avec Duchamp, Cage et la troupe Fluxus.
Et c’est bien l’insolence de John Nixon de faire congruer des interrogations et des attitudes antagonistes, de conjuguer sérieux et dérision. On ne sait toujours pas ce qu’est la peinture. Par contre on semble avoir fixé l’être de l’art dans la forme du paradoxe.
Christian Besson