Skip to content

10.04.93 – 30.05.93

John M Armleder

John M Armleder

Commissariat : Christian Bernard, Véronique Baccheta

Après sa formation à l’École supérieure des Arts visuels de Genève de 1966 à 1967, John M Armleder suit les cours de John Epstein à la Glamorgan Summer School en Grande-Bretagne et, en 1969, il fonde le groupe Écart avec Patrick Lucchini et Claude Rychner : un collectif d’artistes, proche de Fluxus, qui se propose de maitriser toutes les phases de production artistique depuis la création jusqu’à la médiation. De Fluxus, Armleder retire une certaine distance avec l’activité artistique et, dès les années quatre-vingts, constatant ironiquement la vacuité de l’art contemporain, il met en application le principe de non-nécessité en se tournant vers une peinture abstraite géométrique gratuitement formaliste. Assimilé à la tendance du Néo-Géo, il réalise également un travail de mise en regard de la peinture et de la sculpture en réalisant ses fameuses Sculptures-Furnitures. Si ce travail de citation des avant-gardes historiques est bien ancré dans la déception -c’est au sens propre du terme- Armleder ne fait pas moins preuve d’une paradoxale sérénité flegmatique : “Pour moi, c’est un enchantement, maintenant que tout est dit, tout est fait, on peut passer aux choses sérieuses 1”. Très à l’aise dans la reformulation de tout le référent de la modernité, l’artiste affirme la volonté de ne rien faire qui n’ait déjà été fait. La quête de l’unicité de l’oeuvre étant un leurre manifeste puisqu’elle échappe au système d’identification de l’artiste ou du public avec l’art, l’oeuvre se doit d’être aussi banale que nous le sommes.

Aussi, depuis quelques années, Armleder se contente-t-il d’une position précisément moyenne en faisant de cette crypto-banalité l’identité même de son travail.

Armleder revient pour la troisième fois à la Villa Arson où il avait déjà exposé, en juillet 1986, des peintures dans Tableaux abstraits et une installation pour le cycle Sous le soleil, en juillet 1989. Cette fois, l’artiste suisse présente une série de monotypes de grand format (200 x 100 cm) réalisés au Centre genevois de Gravure contemporaine.

Fidèle à ce principe d’indifférence qui lui permet de conserver une posture en équilibre afin qu’il n’y ait pas de sursignification dans son travail, Armleder s’adonne ici à une flânerie dans l’histoire de l’art abstrait. Avec une subtile désinvolture, un rien de détachement, il nous offre des exemples, revus et corrigés, hâtivement exécutés, de la peinture abstraite, qu’elle soit lyrique ou géométrique, une palette de son goût impersonnel. Au détour des salles, on croit alors reconnaître dans ces drippings, dans ces coulures et dans ces monochromes, Lucio Fontana, Barnett Newman, Jackson Pollock, Sam Francis, Clyfford Still, Larry Poons, Sigmar Polke et les autres. Pourtant il ne s’agit de rien d’autre que d’un jeu luxueux sur l’allusion et la réminiscence.

Le point de départ de ce travail est constitué de quatre matrices -trois plaques ayant subi des aspersions de vernis, traitées ensuite à l’acide et une plaque sablée industriellement dans le but d’obtenir une parfaite monochromie- dont l’artiste a fait de multiples combinaisons, soit par superposition, soit par renversement, tout en laissant une part active au hasard, obtenant ainsi au fil des différents encrages de couleurs d’infinies variations.

1. Entretien John M Armleder et Suzanne Pagé in catalogue d’exposition John M Armleder, Kunstmuseum Winterthur, 12 avril-8 juin 1987.

Catherine Macchi

Téléchargements