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17.02.95 – 19.03.95

Jérôme Boutterin

Les absences du modeleur

Ces dessins ont plus à voir avec un bégaiement qu’avec une parole constituée. Le texte qui suit tournera donc autour en les observant et en pointant les termes que je me suis dits pour les continuer. L’intérêt d’avoir à écrire un texte est évidemment celui du double rôle. Comme il est entendu que je ne crois ni au bégaiement naturel, ni à l’artiste inspiré, ce texte sera donc la preuve que tout, absolument tout relève du calcul.

Ces dessins proviennent d’une amnésie, celle du projet et de sa fabrication. L’intention est là, mais plus rien ne suit: ce qui aboutit au résultat approximatif d’une forme précise et unitaire. Pour être plus exact, il y a une volonté de projet, dans sa matérialisation la plus basique, une forme, mais ensuite, l’expérience est celle qui consiste à ne plus savoir.

Les croquis préparatoires servent donc à m’induire en erreur, celle de croire que je peux préparer les conditions de l’oubli qu’est chaque dessin. Leur contour n’en est pas un, au sens strict du terme, sa division en segments verticaux et horizontaux provoque un trait qu’on peut appeler binaire: uniquement deux possibilités s’offrent à lui, verticale ou horizontale. Rudimentaire, il ne peut se réaliser pleinement, il est au plus près. Le remplissage se fait lentement ou rapidement, mais totalement : il s’agit de finir.

Un texte s’approchant des dessins serait peut-être celui où une syntaxe abrégée deviendrait le corps du texte, (sujet-verbe-objet-sujet-verbe-objet-sujet-verbe-objet-sujet-verbe-objet), suite qui servirait à contourner ou circonscrire une histoire sans objet.

Ces formes se posent, toutes, en bas de la feuille, dans une position acquise de poids. Une situation ayant peu de rapport avec ce que serait une composition. Ils sont là où tout dessin qui tient tout seul doit être, dans le bas de la feuille. La taille des dessins doit rester inférieure à ce qui ne permettrait pas d’en voir la fin, et supérieure à la possibilité de les voir en entier au moment de les faire.

Je me suis demandé la façon dont je distinguais les ratés et les réussis, tout en sachant que l’inverse était nettement plus performant. Les ratés sont ceux que l’on identifie. Les réussis sont ceux que l’on oublie.

Jérôme Boutterin

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