29.06.08 – 28.09.08
Jean Dupuy
À la bonne heure !
Commissariat : Éric Mangion
La carrière de Jean Dupuy commence dans les années 50 par une pratique de la peinture abstraite proche de l’École de Paris. Il fréquente alors Jean Degottex, mais aussi Bernard Heidsieck. En 1967, il s’installe à New York. Il participe l’année suivante au concours Experiment in Art & Technology lancé par Bill Klüver et Robert Rauschenberg. Sa pièce Heart Beats Dust, conçue comme une sculpture de poussière, remporte le premier prix. Elle est exposée simultanément au Brooklyn Museum et au Moma. Les pulsions cardiaques d’un visiteur sont captées et amplifiées par un stéthoscope électronique qui agit aussitôt sur une membrane qui propulse, dans un faisceau lumineux en forme de cône à base pyramidale, un nuage de pigment organique rouge enfermé dans un caisson vitré. Le succès est immédiat. Il intègre la galerie Sonnabend et enseigne à la School of Visual Arts N.Y.C. Il entame alors une série de pièces aux fondements « technologiques » dont EAR (1972), qui permet à chaque visiteur de regarder le fond de sa propre oreille grâce à un mécanisme aussi absurde qu’efficace.
Mais l’enchaînement traditionnel des expositions ennuie Jean Dupuy. Il se lie au Guerilla Art Action Group qui revendique un comportement anti establishment. Il quitte sa galerie et organise en 1973 dans son studio au 405E, 13th St. une exposition avec une trentaine d’artistes dont Larry Rivers, Claes Oldenburg, Nam June Paik, ses voisins de palier. Aucune œuvre n’est à vendre, beaucoup sont invisibles, immatérielles comme celle de Gordon Matta Clark. L’opération se renouvellera trois années d’affilée. Jean Dupuy commence parallèlement à organiser des performances collectives dans lesquelles s’entrecroisent un grand nombre d’artistes, dont Richard Serra, Philip Glass ou Laurie Anderson. Ce sont les Three evenings on a revolving stage de la Judson Church ou les mythiques soirées de la Kitchen, dont le repas Soup & tart qui réunit près de 200 personnes. Il se lie d’amitié avec George Maciunas, ce qui fera dire de lui qu’il était un artiste fluxus alors qu’il ne l’a jamais été historiquement, sauf par affiliation momentanée durant ces quelques années.
En 1977, il ouvre avec son épouse un restaurant, puis arrête en 1979 toute activité liée à la performance. Il produit peu à peu des pièces aux mécanismes originaux comme Lazy Susan (1973), constituée d’une roue mobile (suspendue sur deux échelles) dont le roulement à bille est bloqué, mais qui, malgré tout, continue à tourner « paresseusement » en suivant le mouvement de la terre. Il écrit enfin ses premières anagrammes tel AMERICAN VENUS UNIQUE RED / UNIVERS ARDU EN MÉCANIQUE et devient Ypudu anagrammiste, inventant des textes mettant en scène des personnages tels que Léon le bègue qui se joue du langage en s’imposant des équations de lettres. Ses textes – qui fonctionnent comme des partitions musicales à déchiffrer – deviennent au fil du temps des œuvres à part entière ou des livres d’artistes qu’il aime réaliser en série.
L’exposition À la bonne heure ! à la Villa Arson réunira dans la Galerie Carrée quelques pièces fondamentales de l’artiste, dont Lazy Susan, Aero Air, La table à imprimer, Chocolat ou Fewafuel (jeu de mots avec fire/earth/water/air et fuel), produite en 1970 par la Cummins Engine Company, grande entreprise américaine spécialisée dans la fabrication de moteurs diesel. L’œuvre est justement composée d’un moteur en activité dont les traces nocives de combustion sont stockées dans une boule en pyrex reliée au tube d’échappement. À l’époque, la pièce fit scandale car elle mettait à jour les effets polluants des moteurs produits par l’entreprise mécène. Elle fut retirée au bout de quinze jours d’exposition. Elle sera réactivée pour l’occasion dans le jardin de la Villa Arson.
L’exposition est réalisée en collaboration avec la Villa Tamaris (La Seyne-sur-Mer) où l’on pourra découvrir un ensemble de toiles et de dessins des années 60 jamais présentées à ce jour.
La Galerie François Barnoud (Dijon), la Villa Arson, la Villa Tamaris, le MAMAC de Nice et les FRAC Bourgogne et Provence – Alpes – Côte d’Azur coproduisent chez Sémiose éditions un ouvrage monographique consacré à Jean Dupuy, avec des textes d’Arnaud Labelle-Rojoux, Michel Giroud, Christian Xatrec, Robert Bonacorsi et Éric Mangion.
Remerciements : Olga Adorno, Jérôme Barbé, François Barnoud, Frédéric Buisson, Robert Bonacorsi, Charles Dreyfus, Augustin Dupuy, Alexandre Gérard, Eva Gonzalez-Sancho, Patricia Joannides, Didier Larroque, Brigitte Mathis, Benoît Porcher, Mireille Rousseau, Monira Yourid.
En partenariat avec La Strada.