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16.10.87 – 26.10.87

Frédéric Fenollabbate

Scènes d'intérieur

Commissariat : Christian Bernard

L’OR

Je ne sais pas qui je suis. Vous non plus je ne sais pas qui vous êtes. Bien sûr je vous hais. J’essaie d’avoir quelque amour pour vous, naturellement ;

  1.    vous aimer de façon naturelle, spontanée,
  2.    vous aimer est une chose naturelle, qui va de soi.

Ni le premièrement ni le deuxièmement n’est chose évidente pour moi. J’essaie d’être naturel.

Les moyens que je me donne pour y parvenir sapent à la base toute l’entreprise, je le sais. Trop sophistiquée, ma construction ne tend qu’à s’effondrer parce qu’elle est suprême. N’y voyez pas de la décadence. Ce n’est rien d’autre que de la logique. Vénérons la logique, notre divertissement et notre essence. Est-il vraiment nécessaire de mettre un texte dans un catalogue de peinture ? Le texte illustre. Il distrait, repose. Il n’est pas essentiel. Ce qui importerait serait un texte qui dise les choses montrées dans les peintures ou bien un texte qui montre la signature, connue, de son auteur. (Les deux à la fois sont possibles). Je ne sais pas qui je suis mais je ne suis pas un auteur. C’est une chose sûre. Vous n’êtes donc pas des lecteurs, lecteurs ni des mots ni des peintures. A tout prendre vous êtes des nombres. L’esprit compte, évalue, mesure, soupèse, estime. Les spectateurs se comptent, l’argent des tableaux aussi. J’aime l’argent, comme tout le monde. Quand vous regardez un tableau, je veux parler de ceux-ci bien entendu et d’aucun autre pour le moment, soyons méthodiques, vous n’êtes pas tout le monde. Vous devenez quelqu’un, et aussi quelqu’un sur lequel on puisse compter. Ce n’est qu’en comptant sur vous que je vous aime. Donc, la logique du tableau c’est vous et moi je n’ai qu’à me taire. C’est déjà une bonne chose de faite, oui, c’est vrai, merci.

Il est agréable, n’est-ce pas, de remercier quand on ne vous doit rien. Si j’avais fait ces tableaux, je les remercierais chaque jour que Dieu fait de s’être faits tout seuls. Je dirais ceci : “Je n’ai eu qu’à compter. En tant qu’humains, vous, vous êtes infinis. La peinture, finie avant d’être commencée, n’est ni humaine ni inhumaine. Elle ne coule pas de source. Ma femme l’aimerait : mine d’or. C’est une salope. Il faut en convenir. Mais, l’étalon-or, ce n’est tout de même pas fait pour les chiens. Entre chien et loup, entre l’humain et l’inhumain, la règle est le nombre et le silence est d’or.”

OK SILENCE.

Frederika Fenollabbate