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23.10.92 – 29.11.92

Dominique Gonzalez-Foerster

Et la chambre orange

Commissariat : Christian Bernard

La Villa Arson présente cet automne Noël Dolla, Dominique Gonzalez-Foerster et Julije Knifer.

Il s’agit de trois expositions monographiques dont les œuvres ont été conçues pour les galeries de la Villa Arson et réalisées pour la plupart sur place. Ces trois expositions permettent d’articuler trois générations différentes et trois attitudes devant la peinture et l’art en général. Mais l’unité de lieu et l’esprit de condensation qui président à ces trois œuvres donnent à la juxtaposition des expositions un caractère d’évidente connivence et l’aspect d’un enchaînement concerté.

Dominique-Gonzalez Foerster vit et travaille à Paris. Elle est issue de l’École des Beaux-Arts de Grenoble où elle a côtoyé Bernard Joïsten, Pierre Joseph, Marylène Negro, Philippe Parreno, Philippe Perrin, qui ont aussi séjourné comme elle à la Villa Arson. Dominique-Gonzalez Foerster a travaillé à la Villa Arson dans le cadre d’une bourse du Fiacre. On avait remarqué sa contribution à notre exposition No Man’s Time durant l’été 1990. Elle poursuit dans la Galerie de la Villa son activité d’enquêteuse biographique où la mémoire individuelle et collective, les souvenirs singuliers et génériques, les réminiscences ponctuelles ou atmosphériques projettent leurs lacunes au travers d’un jeu de filtres colorés. Le réel se présente toujours ici à l’échelle 1/1, tandis que l’imaginaire s’y inscrit en grandeur nature.

Dominique Gonzalez-Foerster s’emploie à introduire dans le système des arts visuels, des qualités qui d’ordinaire relèvent du littéraire : tant dans le mode d’accès à l’œuvre que dans les rapports de durée et d’implication que nous entretenons avec elle. Celle-ci devrait devenir captivante au sens plein du mot, comme peuvent l’être un film ou un roman. L’artiste nous propose ici un parcours physique et mental en trois phases qui s’apparente à une progression de type narratif : Les « Entrées » (noire, rose, bleue, blanche, rouge et verte), constituent autant d’amorces colorées parmi lesquelles le visiteur peut choisir les indices de son propre récit, un dispositif au sol (« Jeu ») qui relève encore de l’exercice mental, topographique, commun aux projets et au souvenir, enfin un espace tridimensionnel qui donne son titre à l’ensemble et qui pourrait bien être cette chambre des parents, typique des années 70, dans laquelle on pénètre en retrouvant le trouble d’une transgression, la vague réminiscence d’une intrusion furtive.

Dominique Gonzalez-Foerster ne nous conte pas d’histoire, son rôle se borne, en usant d’éléments autobiographiques, à placer çà et là des indices propres à stimuler l’imaginaire, à susciter les réflexes d’un mécanisme de remémoration, d’investigation et d’identification. L’œuvre est ouverte, juste assez définie pour que l’on puisse s’y couler, y inscrire son propre récit, pour que le souvenir suggéré puisse convenir au particulier, trouver un écho dans l’intime de celui ou de celle qui s’y glisse.

La couleur n’obéit ici à aucune symbolique préétablie. Elle imprègne plus qu’elle ne recouvre, elle correspond plutôt à une temporalité, et confère à la pièce une unité visuelle et sensible qui en facilite l’investissement, une atmosphère propice à la traversée des apparences. Elle agit comme un filtre qui qualifie le souvenir et différencie ses territoires. Elle caractérise la distance de l’enfoui, celle de toute mémoire que contamine peu à peu la fiction, où le faux prend la teinte du vrai, où le fantasme et le vécu fusionnent.

Hubert Besacier

octobre 1992

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