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15.11.19 – 12.01.20

Daniel Rycharski

La Goutte creuse la pierre

Commissariat : Klaudia Podsiadlo, Agnieszka Żuk

La Villa Arson présente la première exposition monographique en France de Daniel Rycharski, artiste polonais né en 1986, travaillant à l’intersection de divers contextes sociaux et politiques entre la Pologne rurale, les droits LGBTQ et la religion catholique dans une époque marquée par la montée du conservatisme et du nationalisme.

Issu de l’école des Beaux-Arts de Cracovie, Daniel Rycharski (né en 1986) vit et travaille à Kurowko, son village natal situé dans la province de Mazovie au nord-ouest de la Pologne. La ruralité, son histoire et ses traditions sont en effet au cœur du travail de l’artiste. Il associe les paysans, les ouvriers agricoles comme d’autres habitants de sa région aux productions qu’il réalise sur place.

A ce jour, l’œuvre la plus représentative de son attachement à la culture paysanne est Monument to Peasant (2015), référence directe au projet de Monument aux paysans vaincus que Dürer dessine en 1525 afin de rendre hommage aux plus de 100 000 paysans disparus lors des révoltes paysannes dans le Saint-Empire Romain Germanique. Si l’architecture du monument n’est plus la même, on retrouve dans la sculpture de Rycharski le personnage qui trône en haut de l’édifice, le dos vouté par la souffrance. C’est Adam Pesta, le maire de son village, lui-même agriculteur.

Mais au-delà de cette tribune que l’artiste offre à la ruralité, ce qui fait la singularité de l’œuvre de Rycharski c’est qu’il assume totalement son identité gay et sa culture LGBT au sein même de la communauté de son enfance. Dans la Pologne d’aujourd’hui, de plus en plus conservatrice, cela tient du défi.
Ce défi a tenu jusqu’à peu de temps encore grâce à son travail collaboratif avec les habitants qui a donné lieu à la production de plusieurs œuvres. La plus significative est sans doute Epouvantails (2018 et 2019). Ces derniers – installés dans les champs – ont été réalisés avec des vêtements portés par des personnes LGBT. Si la forme anthropomorphique de l’épouvantail fait fuir les oiseaux, l’odeur de l’homme fait peur aux sangliers. Le fait d’associer le comportement animal à des humains évoque la peur ou la gêne qu’une sexualité non-hétéronormée éveille chez certains d’entre nous.

Pour son exposition à la Villa Arson, sa première hors de Pologne et la deuxième après celle que lui a consacré entre février et avril 2019 le Musée d’Art Moderne de Varsovie, les commissaires Klaudia Podsiadlo et Agnieszka Żuk ont demandé à Daniel Rycharski de produire des nouvelles pièces sachant que l’espace white cube d’un centre d’art français ne pouvait convenir à des œuvres faites pour un usage spécifique dans la campagne polonaise.

En réponse, l’artiste a choisi de placer la religion au centre de son exposition. Comment peut-elle s’accoutumer de la xénophobie, du nationalisme, de l’homophobie, de la misogynie ou de l’antisémitisme ? Le rapport à l’autre, à la communauté et à l’exclusion sont au cœur de cette exposition.
Pour bâtir son projet, Daniel Rycharski s’inspire notamment de la théologie de Dietrich Bonhoeffer, un pasteur et résistant anti-nazi exécuté en avril 1945 sur ordre personnel d’Hitler, qui prône un « christianisme non religieux », c’est-à-dire délesté de ses dogmes sclérosés, affranchi du clergé et invitant à l’activisme politique. Le Double Christ présent dans l’accrochage représente ainsi le corps de deux hommes enlacés sur une croix, liés par un amour ou une amitié fraternelle au-delà de tout clivage tel que l’entendait Bonhoeffer dans ses réflexions théologiques. Une autre pièce permet de voir la tête de l’artiste lentement défigurée par des gouttes suintant d’un bénitier. Le titre de cette œuvre La Goutte creuse la pierre est devenu le titre de l’exposition ; il évoque l’action lente et pernicieuse de la discrimination envers celles et ceux dont l’opinion ou le style de vie diffère des enseignements de l’église catholique polonaise.

L’œuvre Vera Icon (Voile de Véronique) de Daniel Rycharski, présentée dans l’exposition, a été réalisée en collaboration avec le Musée d’Art Moderne de Varsovie (Muzeum Sztuki Nowoczesnej w Warszawie) dans le cadre du cycle « Manie des monuments » de la 11ème édition du festival Varsovie en construction (5.10. – 3.11.2019).
(Commissaires : Łukasz Zaremba, Institut de la Culture Polonaise de l’Univesrité de Varsovie et Szymon Maliborski, MAM de Varsovie).

Remerciements
Le Musée Stowarzyszenie Zachęty Sztuki Współczesnej de Szczecin, Pologne ;
Séverine Odet et Agathe Weisner, Laurent Prexl ; Dorota Hadrian, Bartosz Banasik, Andrzej Domert, Marek Rycharski ; l’équipe de Museum of Modern Art – Varsovie, Joanna Turek, Szymon Maliborski ; l’association Roya Citoyenne, Nat Masseglia, Suzel Prio, Patricia Alunno, Jean-Noël Fessy et Marcus Seidner.