15.05.22 – 28.08.22
Clusterduck
MEME MANIFESTO
Commissariat : Vittorio Parisi
Ouverture de l’exposition le samedi 14 mai, de 14h à 21h.
« Quand on descend aux enfers, on a toujours besoin d’un guide. Nous voici donc en train de vous tendre la main gauche et de vous inviter à parcourir le mur sur lequel nous avons recueilli d’innombrables petits fragments de l’inconscient d’Internet : la preuve irréfutable de notre passage dans les mers insondables de la mèmesphère… »
C’est ainsi que Clusterduck (collectif italien interdisciplinaire d’artistes, activistes, théoriciens et web designers) présente l’installation murale qui constitue le pivot de l’exposition MEME MANIFESTO, sur une invitation de Vittorio Parisi.
On pourrait définir le detective wall – nom par lequel ils et elles appellent ladite installation – comme un mur parsemé de mèmes internet, soient les images drôles, tristes, dérangeantes ou simplement absurdes qui sont créées, remixées et partagées quotidiennement sur le web.
Accompagné d’une installation vidéo interactive, le detective wall se présente comme l’un de ces crazy walls popularisés par nombre de films ou séries télé policiers – les murs parsemés de photographies ou d’articles de journaux épinglés ou collés, souvent reliés entre eux par des ficelles pour marquer les connexions – ou encore comme le Bilderatlas Mnemosyne conçu par Aby Warburg : un outil que l’historien de l’art allemand avait créé dans les années 1920 pour retracer les thèmes et les motifs visuels récurrents à travers l’Histoire, de l’Antiquité à la Renaissance et au-delà, jusqu’à la culture contemporaine, et dont Clusterduck s’inspire pour cartographier la « mèmesphère ».
Mais comment cartographier et exposer les mèmes, des objets qui, a priori, se présentent comme incartographiables et inexposables ? « Le mème est toujours pluriel, jamais singulier. Il est vécu dans un contexte, il est apprécié en clusters ; son existence même n’est par définition possible que comme une variante d’autres mèmes et comme le résultat d’une interaction – ne serait-ce qu’entre deux utilisateurs ».
Les mèmes collectés par Clusterduck sont ainsi organisés et hiérarchisés selon des critères à la fois chronologiques et thématiques, formant dix regroupements, dans le but d’escorter les visiteurs au cœur d’un voyage dans l’inconscient collectif d’internet et de ses représentations : « Nous avons recueilli des récits sur la façon dont un utilisateur donné, ou plusieurs utilisateurs, ont fait l’expérience d’un phénomène, d’une tendance esthétique, d’une stratégie sémantique récurrente ; nous avons ensuite essayé d’esquisser et de représenter certains moments brefs, mais sans doute très influents, de l’histoire de la mémétique ».
Tout au long de ce parcours, les visiteurs seront conduits à travers des niveaux mémétiques toujours plus profonds, en commençant par les formats les plus populaires et connus, à ceux les plus occultes et ésotériques. La liste est longue : des mèmes mal faits, des mèmes aux contenus originaux, des mèmes surréalistes, des mèmes fried, des mèmes nuked… Ceux-ci sont juxtaposés en suivant un certain nombre de catégories : les mèmes wholesome, les ugly, les absurds, les edgy, les weird, les cursed.
Surtout, une question semble hanter ce besoin de remettre de l’ordre dans cet univers informe, et de transformer le chaos en cosmos : comment les mèmes se sont révélés avoir un pouvoir hyperstitionnel ? Néologisme inventé par le philosophe britannique Nick Land, le concept d’«hyperstition » définit les modalités selon lesquelles des fictions peuvent se transformer en vérités.
Tout en analysant les points de contact et de distance entre les mèmes et l’art, MEME MANIFESTO propose donc d’enquêter sur l’agentivité des mèmes : leur capacité d’être vecteurs d’activisme ou de propagande politique, et ainsi de produire des effets sur notre quotidien.
Remerciements
Une partie du projet a été rendue possible grâce à EMAP / EMARE, une plateforme européenne soutenant les arts numériques et médiatiques et à la résidence virtuelle des artistes à IMPAKT, un espace créatif indépendant basé à Utrecht.
Le projet comprend aussi des mèmes envoyés par d’autres experts avec lesquels Clusterduck est en contact : le groupe “just” “fresh “dank” “memes”, Seong-young Her et Masha Zharova (membres du réseau The Philosopher’s Meme), le spécialiste de la bande dessinée Chinese Rage Comics Pavel Goncarov, l’artiste et chercheure Noura Tafeche, ainsi que les participants des ateliers organisés par Clusterduck pendant la pandémie (notamment ceux du programme ScreenWalks de la Photographer’s Gallery à Londres, The Lab Saigon, et l’atelier Freeport organisé par Bani Brusadin grâce au Matadero Madrid).