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21.10.94 – 18.12.94

Cécile Bart

Habiter

Commissariat : Christian Bernard

C’est par la pratique du monochrome que Cécile Bart se propose de prolonger l’aventure de la peinture. Ses écrans de couleur sont invariablement constitués de tergal plein jour, le modèle standard du tissu à rideau, tendu sur châssis d’aluminium, peint à la brosse et essuyé au chiffon. De près, la trace de la brosse et les aspérités de la peinture industrielle au minium sur la toile sont visibles. Il est important que le geste pictural, encore manuel, soit présent avec toutes les imperfections que son utilisation peut entraîner sur un très grand format, par exemple.

Ainsi réalisée, la surface picturale qui a quitté le mur pour évoluer à divers niveaux de l’espace d’exposition, possède-t-elle une qualité ambivalente. D’une part, elle est suffisamment recouverte de matière pour être identifiée par l’œil en tant que couleur et, d’autre part, elle est suffisamment ténue pour conserver une transparence qui permet au monde réel de s’inscrire dans l’espace pictural non mimétique qu’elle crée. Le degré de raffinement auquel parvient cette pratique picturale confère au tableau une belle immatérialité.

Jouant toujours avec l’architecture pour laquelle ils ont été pensés, les écrans-couleurs de Cécile Bart offrent au regardeur en mouvement une perception changeante de l’espace d’exposition, ainsi que des autres monochromes agencés dans la salle. Au fur et à mesure du déplacement, le spectateur décide de sa propre vision de la peinture et de l’espace. À chaque pas la perspective est différente, l’espace éclate. Catherine Francblin compare le rôle du spectateur dans le travail de Cécile Bart « à celui que joue le point de fuite dans la peinture figurative. Devenu le représentant de l’espace (un peu comme si les fonds peints, à l’arrière-plan de La Joconde, se matérialisaient dans sa personne), le spectateur fait figure de point de fuite inversé. Car c’est lui qui confère à l’œuvre sa profondeur et son humanité ; lui qui atteste qu’elle est un objet bien réel* ». Ce travail sur la perception de l’espace a récemment été développé de façon intéressante à l’occasion d’une exposition à la galerie Verney-Carron de Villeurbanne, organisée par Christian Besson. Cécile Bart, Felice Varini et Michel Verjux se partageaient respectivement l’espace d’exposition en s’étageant sur trois niveaux qui allaient du sol jusqu’au plafond. Mais lorsque le recouvrement pictural parvient à opacifier le plan, la vision de l’espace est amputée. La peinture se met alors à fonctionner à la manière de l’architecture en créant des jeux de vides et de pleins.

Il est significatif que cette exposition à la Villa Arson vienne habiter la Galerie Carrée, laboratoire de sculpture dans lequel on a pu voir les différents volets du cycle Is it about sculpture ? Car les œuvres de Cécile Bart ont un statut proche des Specific Objects de Donald Judd : ce ne sont plus tout à fait des peintures, mais pas encore des sculptures. Descendant des caissons des puits de lumière, ces immenses écrans de couleur – les monochromes les plus grands que l’artiste ait jamais réalisés – viennent remodeler l’espace de façon monumentale comme si le plafond et la galerie elle-même se désarticulaient.

Catherine Macchi

* Catherine-Francblin, « La passion du réel », in Art press, spécial 20 ans, l’histoire continue, n° 13, 1992.

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